Homélie de la veillée pascale 2019
La voute de Notre Dame de Paris est ouverte, béante vers le ciel ! Terrible symbole de notre situation. A la fois expression de nos effondrements et espérance vers Dieu.
Les épreuves nous accablent, nous catholiques. Un Pape dont la longue agonie devient un spectacle et son successeur qui renonce à sa charge. Et le suivant, François ! affronté à une série de scandales. Des abus sexuels sur des enfants de la part de prêtres, des religieuses violées par leurs propres supérieurs, des cardinaux condamnés, à titre divers, par la justice et toutes sortes de révélations sur le Vatican. Je ne vous recommande pas spécialement la lecture du livre de Frédéric Martel, Sodoma, mais l’enquête est accablante et, à peine l’ouvrage sorti, il est comme validé par le comportement, lamentable et effarant, d’un nonce, encore en poste !
Mais, il y a aussi les impasses dans le discours de l’Eglise sur la sexualité. Tant de blocages et de paroles contraires à l’évangile, qui révèlent une obsession malsaine. Comment ne pas être atterré quand on dit qu’un couple qui vit son amour et élève ses enfants avec bonheur est dans le péché ? J’y vois comme un lapsus révélateur : l’amour est un péché ! Mais, faut-il s’étonner ? Il y a peu on refusait la sépulture aux suicidés. Eh oui, l’Eglise ne célèbre pas les obsèques d’un homicide, or un homme qui se suicide est un homme qui tue un homme, il est donc un « homicide ». Le simplisme du raisonnement témoigne de la perte de sens, car, quand on raisonne ainsi, la raison ecclésiastique élimine tout sentiment humain. Il y avait cette affaire des suicidés, qu’on a corrigée. Il y avait, aussi, la sépulture refusée aux enfants morts sans baptême, qu’on a corrigée aussi. Mais il y a encore beaucoup à faire.
Tout cela s’enracine dans une « culture », qui relève du passé et tout particulièrement des vieux régimes politiques. Au premier chef, il y a le goût du secret. Je prends un seul exemple. Dans l’Antiquité, publiquement : cela se passait dans la basilique cathédrale, le peuple et le clergé choisissait l’évêque. On disait : Voix populi, vox Dei. Quand le Peuple désignait, c’est Dieu qui voulait ! Mais aujourd’hui la désignation des évêques est totalement opaque et, bien sûr, le système favorise toutes les manœuvres de couloir, tous les jeux de pouvoirs - en français courant : toutes les magouilles. Et c’est ainsi que certains sont devenus évêques.
Oui, il faut reconstruire la voute et consolider les murs Oui, il faut une réforme de l’Eglise. En profondeur et dans toute sa largeur ! Dans sa hauteur aussi : depuis le haut jusqu’en bas !
Personnellement dans cette crise j’ai approfondi ma relation au Christ. Il est le Fils de Dieu venu dans notre chair. Et lui il n’a pas triché, il est allé jusqu’à la mort, et, comme le dit Paul, « la mort sur la croix ». Et il est ressuscité. Il est vivant, il est le Vivant, capable de redonner vie.
J’ai approfondi aussi ma relation avec l’Eglise. Je la confesse comme l’Eglise sainte, qui est l’épouse du Christ - mais si cette sainteté est actuelle, elle est loin, très loin d’être accomplie. L’Eglise est en pèlerinage, en chemin et ce chemin est un chemin de conversion. C’est un chemin sinueux, chaotique, tourmenté. Les chutes y sont nombreuses et graves.
Un jour, quand j’étais jeune aumônier de lycée, dans un débat avec les jeunes, on parlait de l’Eglise. Un jeune dit : « L’Eglise est sainte ». Un autre contredit : « L’Eglise est pute ». Et un troisième dit : « L’Eglise, c’est nous ! »
Frères et sœurs, qui d’autres, ici, à Courthézon, est l’Eglise, sinon nous-mêmes ? Et, assurément, nous ne sommes pas des saints. Moi le premier ! Mais, si nous accueillons, au profond de nos cœurs, la vie du Ressuscité, si nous passons de la Passion à la Résurrection, alors Notre-Dame retrouvera sa beauté et l’Eglise sa vérité.
J’en suis sûr ! Vous êtes convaincus de ce que je viens de dire. Cependant, il nous faut être lucides et déterminés et passez à l’acte. La simple conviction ne suffit pas ! Il nous faudra, très concrètement, trouver les voies et les moyens pour que notre communauté soit authentiquement fraternelle, véritable témoin de l’amour du Christ pour les hommes : c’est-à-dire les hommes et les femmes, les enfants d’ici, de Courthézon. Bannissons tout ce qui nous replie sur nous-mêmes, tout ce qui transforme les disciples de Jésus en pharisiens, tout ce qui relève des petites habitudes et des habituelles mesquineries. Oui, frères et sœurs bien-aimés, vivons en ressuscités ! En cette nuit de Pâques, que nos cœurs à l’unisson chantent Alléluia !